La loutre d’Europe est de retour dans l’Eure : une première depuis plus de 30 ans[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Les traces du plus grand carnivore normand ont été observées dans la Guiel.
Par Frédéric Durand
Le Groupe mammologique normand, association spécialisée dans l'étude et la protection des mammifères sauvages, est fou de joie. Fin janvier, lors d'une prospection des rives des affluents de la Risle, entre Bernay et Brionne, Anthony Le Guen a observé des épreintes (crottes) de la loutre d'Europe signe du marquage d'un territoire. Avancée majeure pour l'environnement, car l'animal semi-aquatique n'a pas été aperçu depuis les années 1980.
Avec désormais environ 90 espèces de mammifères sauvages dont des grands dauphins, des phoques, vingt variétés de chauves-souris ou encore le plus petit rongeur d'Europe, le rat des moissons ou la rare hermine, la faune sauvage normande est en régression. Elle doit faire face à l'activité humaine comme l'urbanisation, les routes qui croisent ses territoires, le perfectionnement des machines agricoles et forestières ou encore les problèmes sanitaires, la pollution luminaire et l'utilisation des produits phytosanitaires.
Ne pas confondre avec sa cousine américaine
« Tous les mammifères sont touchés. Les plus fragiles ont déjà disparu comme le cerf de la forêt de Brotonne, le loir ou le vison d'Europe. Très nombreuse pendant des siècles en Normandie, la loutre commune, dite d'Europe, à ne pas confondre avec sa cousine américaine qui vit dans l'eau de mer, a surtout subi le piégeage pour sa peau et sa réputation de prédateur des rivières. Elle mesure 1,30 m et pèse en moyenne 9 kg. La loutre se nourrit de poissons, de crustacés, d'amphibiens ou encore de petits rongeurs. Elle va au plus simple », explique la mammalogiste Laëtitia Faine.
Sur les cinq départements de la région, seuls le Calvados, la Manche et l'Orne comptaient encore quelques spécimens. Animal classé pendant des décennies comme nuisible, le mustélidé ne peut plus être chassé depuis 1972 et est protégé en 1981. Alors, les indices de sa présence sont rares et le GMN est très attentif.
Vigilance sur les cours d'eau
Avec les acteurs des territoires comme les techniciens de rivière, d'espace naturel, d'agents techniques et surtout des bénévoles passionnés par la Nature, l'association a monté un programme de surveillance et de prospection des bords des cours d'eau de l'Eure. À chaque signe, l'information remonte et est entrée dans une base de données. Anthony Le Guen et son réseau s'occupent d'une opération baptisée « Loutre sur la Risle », financée par l'Agence de l'Eau, la région Normandie et l'Europe.
Un premier objectif est de vérifier la possibilité du passage des loutres sous les ponts ou autres infrastructures « afin d'éviter la collision routière, puis de mettre une veille de l'espèce sur la Charentonne, un affluent de la Risle avec des pièges photos et des marquages afin de pouvoir répondre aux questions de son arrivée et de ses trajets. Car, on se pose plein de questions depuis la découverte de l'étreinte ».
Sensibiliser les particuliers et les collectivités
Même si pour le moment, « on peut simplement se dire qu'un seul individu est passé, car les loutres sont très difficiles à observer », les spécialistes ont déclenché auprès de la DDTM (Direction départementale des Territoires) une demande d'Arrêté Préfectoral pour modifier les pratiques de piégeages dans le secteur.
« Nous lançons aussi un appel aux propriétaires privés avec des bords de rivière sur leur terrain ou avec des étangs ainsi qu'aux collectivités avec le dispositif Les havres de paix pour la loutre. C'est une labellisation pour un lieu sécurisant et propice au mammifère avec pour objectif de maintenir et de développer des zones refuges en faveur de l'espèce » détaille Laëtitia Faine. Car le retour du carnivore et son capital sympathie seront assurés si l'humain la laisse tranquille.
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