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L’Amérindien qui met sa vie au service des peuples autochtones du QuébecDepuis six ans, un chirurgien d’origine autochtone arpente plusieurs fois par an, à pied, les routes du Québec. Son but est de porter un message d’espoir aux Amérindiens et aux Inuits de cette province canadienne.
De notre correspondante à Québec,
En marchant comme un simple pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, Stanley Vollant a fait un rêve. Ce fils d’Innu, une des dix nations amérindiennes au Québec, s’est vu en train d’arpenter le territoire qu’ont longtemps sillonné ses ancêtres. De cette vision est née « Innu Meshkenu », le chemin Innu. Depuis 2010, ce chirurgien respecté a déjà marché plus de 5 200 km à travers le Québec. Une façon pour lui de porter un message aux communautés amérindiennes en proie à la toxicomanie, à l’alcoolisme, à la violence familiale, à l’échec scolaire, au chômage endémique.
Et l’homme sait de quoi il parle puisque sa vie a bien failli s’arrêter brusquement le 14 août 2007. Quitté par sa femme, qui avait emmené avec elle leur fils de 18 mois, et en proie à une dépression sévère, le chirurgien ne voyait plus aucune raison de continuer à vivre. Sur le point d’appuyer sur la détente de sa carabine, une image l’a frappé : celle de ses enfants, deux filles et un garçon, qui lui souriaient. Pour eux, il a décidé de ranger son arme et, décidé à retrouver le goût de vivre, il a interrompu son parcours professionnel sans fautes pour se remettre en question.
« Je dis aux jeunes qu’il faut croire à ses rêves, et qu’il faut se servir de l’éducation pour les réaliser, lance le marcheur face au vent qui souffle sur la route 132, non loin de Québec. On doit apprendre à vivre ensemble dans un monde sans violence. Plus de 80% des femmes autochtones ont été abusées sexuellement, physiquement, dans leur propre communauté. » Ni sauveur, ni prophète, mais rêveur assumé, Stanley Vollant arrive à pied chez les Abénakis, les Malécites, les Innus, les Attikameks, pour transmettre sa parole. Lui, qui a failli s’effondrer d’épuisement l’an dernier lors d’une marche particulièrement éprouvante dans le nord du Québec veut prouver aux autochtones qu’on doit aller jusqu’au bout de ses objectifs. Et tenir bon à l’école pour devenir un jour médecin, joueur de hockey, électricien ou musicien.
Cesser la victimisation
Le message que veut faire passer Stanley Vollant n’a rien de banal dans des communautés autochtones où seulement deux ou trois élèves sur dix terminent leur collège et où très peu accèdent aux études universitaires. Confrontées à une véritable explosion démographique, les écoles peinent à fournir des services adéquats à ces jeunes, souvent élevés dans des familles peu intéressées par l’éducation. Un désintérêt qui s’explique en partie par des raisons historiques. Plusieurs générations d’enfants amérindiens et inuit ont été arrachées à leurs parents pour les scolariser de force dans des pensionnats où leur langue et leur culture étaient bannies. Un épisode qui a laissé des traces indélébiles dans les communautés.
Stanley Vollant veut mettre fin à ce cycle de malheur. Pas après pas, il cherche à montrer qu’un autre avenir est possible. Lui, qui a été élevé par des grands-parents innus tire une grande fierté de ses racines autochtones et de son héritage familial. « Mon grand-père, qui pêchait et trappait, n’avait fréquenté l’école qu’une demi-journée dans sa vie. Pourtant, il savait qu’il fallait que je suive des études, car je ne pourrais plus vivre dans la forêt comme lui », se souvient le quinquagénaire.
Tirer mutuellement profit de la culture de l'autre
Courageusement, il a donc quitté les siens, affronté le racisme, et réussi après bien des difficultés à s’inscrire en faculté de médecine pour devenir le premier autochtone à enfiler une blouse de chirurgien au Québec. Passant facilement d’un monde à l’autre, ce père de trois enfants, bientôt quatre, espère que Québécois et autochtones vont réussir à l’avenir à mieux se comprendre et à tirer mutuellement profit de leur culture.
Régulièrement, il rencontre les élus comme les ministres de l’Education ou de la Santé pour les convaincre de la nécessité d’intégrer davantage l’histoire et les valeurs autochtones dans les programmes scolaires ou dans la société québécoise. Il a trop souvent vu des malades de son village, Pessamit, sur la Côte-Nord du Québec, attendre la dernière extrémité avant de se rendre à l’hôpital de la ville voisine. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils savaient que leur identité autochtone les exposait aux préjugés tenaces qu’une partie des Québécois entretiennent à leur égard.
Il y a quelques jours, Stanley Vollant a terminé une étape de sa marche sur les Plaines d’Abraham à Québec. Parmi la petite foule venue l’accueillir, une mère de famille qui remerciait le chirurgien de sa démarche. « Mon fils Samuel l’a fait venir à son école pour une conférence, et jamais je n’ai vu un public aussi silencieux, se souvient Marie-Ève Picard, originaire elle aussi de Pessamit. Il nous a dit de croire, de rêver, d’oser… » Samuel a saisi ces paroles au bond. Depuis quelques mois, il s’implique dans un organisme en Equateur en faveur des autochtones. Pendant que Stanley mettait la dernière main à ses préparatifs au Québec, le jeune Innu marchait à des milliers de kilomètres pour contrer la violence faite aux enfants.
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