[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La découverte est exceptionnelle pour les scientifiques. Des plongeurs ont trouvé, par hasard, une forêt vieille de 8 000 ans à un kilomètre des côtes de Palavas-les-Flots (Hérault). Elle pourrait remettre en cause certaines de nos certitudes sur l’histoire de l’humanité.
Palavas-les-Flots (Hérault), 2018. Les plongeurs du Groupement de recherches archéologiques du littoral languedocien n’en croient pas leurs yeux. Au fond de l’eau, des végétaux affleurent, encore cachés par le sable. On dirait des arbres. Impossible. Et pourtant, l’association héraultaise vient de faire une immense découverte, qui vient seulement d’être rendue publique : une forêt noyée vieille de 8 000 ans.
« Trouver des choses au fond de l’eau, ça arrive. Mais une découverte de cette ampleur, c’est rare », reconnaît Marie-Pierre Jézégou, ingénieure d’études au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines. Pour donner un ordre d’idée, seules deux autres forêts sous-marines ont été découvertes dans le monde. La première, au large de l’Alabama, aux États-Unis, en 2005. La seconde, en 2014, près du Pays de Galles.
La troisième forêt sous-marine découverte dans le monde
Entre 2018 et 2019, des campagnes de terrain ont été menées par un consortium de scientifiques sous l’égide de Marie-Pierre Jézégou. Le but ? Faire parler les vestiges de ces végétaux. « D’abord, il faut savoir que cette trouvaille est exceptionnelle dans le sens où il fallait que ces arbres restent en bon état », pose la responsable des enquêtes de terrain. Car une fois gorgé d’eau, le bois sert généralement de repas aux tarets, l’équivalent des termites sur terre.
Ces arbres sont donc restés protégés par le sable pendant des milliers d’années, à moins d’un kilomètre des côtes. « On ne peut faire ce genre de découverte qu’à un moment où il y a un mouvement dans les bancs de sable », reconnaît la chercheuse du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines. Par exemple, la forêt au large des côtes de l’Alabama a été révélée par l’ouragan Katrina.
Les racines, première preuve de l’existence de la forêt
En septembre 2018, les scientifiques effectuent leurs premiers relevés sur les végétaux. C’est là qu’ils obtiennent la preuve que ces arbres formaient bien une ancienne forêt : des racines. « Nous avons retiré du sable sur cinq centimètres grâce à un aspirateur à sédiments, raconte Marie-Pierre Jézégou. Cela a fait apparaître un étendage de branchages et de racines prises dans la glaise. »
Des datations au carbone 14 ont ensuite permis d’estimer l’âge de cette forêt. Ils ont été réalisés par deux laboratoires indépendants, d’après le magazine Sciences et Avenir. Le premier, aux États-Unis. Le second, en Pologne. Et les résultats se recoupent. « On tombe à environ 6 000 ans avant JC. C’est d’autant plus crédible qu’il s’agit d’une période au cours de laquelle la remontée du niveau marin a été très rapide », pointe du doigt la responsable des enquêtes.
D’autres secrets de la forêt noyée bientôt percés ?
Mais cette forêt pourrait permettre de réaliser d’autres découvertes. Dont une de taille. « Analyser les souches de bois permettra de définir si elles sont naturelles », se réjouit Marie-Pierre Jézégou en s’appuyant sur les travaux de Lucie Chabal, chargée de recherche au CNRS. Traduisez : elle permettra de savoir si ces arbres portent des traces de l’activité de l’homme. Si cela se révèle exact, les dates du Mésolithique et du Néolithique ancien pourrait être revues.
Une thèse loin d’être farfelue aux yeux de la chercheuse. « Il n’est vraiment pas exclu que l’on trouve des premiers passages de l’homme à cette date-là. » Un élément vient étayer cette thèse. Ces dernières années, plusieurs promeneurs ont ramassé des morceaux de céramiques préhistoriques. Des tessons, réalisés grâce à un coquillage, le cardium, qui pourraient donc appartenir à ceux qui ont vécu dans cette fameuse forêt sous-marine.
Dessiner l’ancien paysage de la côte héraultaise grâce aux arbres
L’autre intérêt est de mieux comprendre le paysage qui existait, il y a 8 000 ans, sur les côtes occitanes. « D’abord connaître les espèces des arbres qui existaient, a priori des chênes à feuilles caducs. Et comprendre leur impact sur le paysage », insiste l’ingénieure d’études au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines. Car en fonction de l’espèce, les arbres ont besoin de plus ou moins d’eau pour pousser. « Aujourd’hui, la côte comprend des lagunes et des étangs. Mais il se pourrait que 8 000 ans plus tôt, elle ait été une grande plaine drainée par des fleuves », estime la scientifique.
Une nouvelle mission sur le terrain sera menée du 24 août au 21 septembre pour récupérer des morceaux de souches en mer. Un photographe du CNRS sera également présent afin de prendre des clichés. Ils seront numérisés au fond de la mer avant d’être modélisés en 3D sur la terre ferme.
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